2025 POUR ENFIN RELANCER L’ÉCONOMIE ?

15.01.2025

Communiqué de presse

Le début d’année constitue le moment idéal pour réaliser un bilan de l’année écoulée et préparer la nouvelle année qui s’ouvre. 2024 coïncide également avec la première année de l’action du Gouvernement, notamment quant à la mise en œuvre de son accord de coalition. Focus sur les développements marquants et les attentes en matière de politiques d’emploi et de droit du travail, de fiscalité et de sécurité sociale.

Un contexte macroéconomique difficile…  

Après une année 2023 marquée par une récession (diminution du PIB de 1,1%), la croissance économique attendue pour l’année écoulée devrait être anémique : +0,5%. Le constat est clair : depuis deux ans, aucune création de richesse nouvelle n’a eu lieu au Luxembourg. Il est à souligner que le Statec prévoyait encore en octobre une croissance de 1,5% en 2024 : cette révision est de taille !

Il est facile de blâmer des facteurs externes comme les séquelles de la Covid-19, la guerre en Ukraine ou d’autres événements exogènes, mais il est tout aussi essentiel de s’interroger sur les choix et les actions « faits maison » – ou leur absence – qui ont été pris dans le passé. L’enjeu est de taille car depuis le début du siècle, le Luxembourg souffre d’une absence de gains de productivité, une tendance préoccupante qui mérite une attention prioritaire. Alors que les gains de productivité sont l’étalon de mesure de l’évolution possible du niveau de vie d’un pays.

A ceci s’ajoute que l’évolution de l’emploi salarié – le seul moteur de croissance de ces 20 dernières années – continue également de ralentir. La croissance de l’emploi en 2024 (0,9%) devrait d’ailleurs encore même être plus faible qu’en 2020 (2%), année « par excellence » de la Covid-19. Fait assez marquant, en 2024, pour la première fois depuis le début du siècle en tout cas pour les 3 premiers trimestres : tant le nombre de frontaliers belges qu’allemands a diminué[1]. Par ailleurs, aucune embellie à court terme n’est envisagée comme le montrent les perspectives d’emploi dans les différents secteurs et les retours des entreprises membres des organisations professionnelles : la main d’œuvre, si elle est demandée, n’est souvent pas disponible et son coût est très élevé, au regard aussi des perspectives de productivité et de rentabilité de leurs possibles employeurs. Ces niveaux de croissance de l’emploi ont déjà aujourd’hui des répercussions concrètes sur les (des)équilibres de la sécurité sociale ; qui ne vont que s’exacerber si la tendance ne s’inverse pas et si notre modèle socio-économique ne peut pas réduire sa dépendance à l’évolution de l’emploi.

Fort heureusement, les recettes budgétaires du pays ont été moins impactées ; elles semblent d’ailleurs déconnectées de la réalité économique. La situation des finances publiques en 2024 s’explique notamment par des éléments non-récurrents, et en particulier les soldes des impôts sur le revenu des entreprises (plus de 1,5 mia EUR de soldes d’impôts – donc relatifs aux années antérieures – ont été encaissés sur les 10 premiers mois de l’année 2024[2]) et les marges d’intérêts des institutions financières résultant de la situation du taux d’intérêt moyen très élevé en 2024. Ainsi, malgré une réalité économique difficile en 2024, ces éléments exceptionnels vont peut-être permettre à l’État de finir l’année 2024 dans une situation financière relativement bonne. À terme cependant, la logique reprendra et les recettes budgétaires nécessairement portées par la santé intrinsèque des entreprises et dans leur capacité à créer des marges et de l’emploi. Bien que cela ne soit pas le cas pour 2025, la pérennité de certaines catégories de recettes comme les accises sur les carburants ou sur le tabac sera questionnée à moyen terme.

…et des entreprises durement frappées

L’UEL n’a eu de cesse de répéter que la santé financière des entreprises, leur productivité, leur compétitivité et leur rentabilité constituaient le fondement d’un pays prospère et d’un modèle social généreux. C’est uniquement l’écart de performance de nos entreprises qui peut justifier un « écart de générosité » de nos régimes sociaux. Or, leur situation est difficile.

En termes de compétitivité, le Luxembourg, avec une 23e place, n’a jamais été aussi mal classé dans le prestigieux classement IMD. Le dernier rapport du Conseil National de la Productivité montre que la productivité par personne employé a diminué de 5% depuis 2010 alors qu’elle a augmenté dans les autres pays de l’OCDE. D’après le dernier « système d’indicateurs national » publié par l’Observatoire de la Compétitivité la rentabilité des sociétés non-financières luxembourgeoises figure en dernière position, loin derrière la moyenne européenne. Dans ce contexte, le Statec dans sa « Note de conjoncture » publiée en juin 2024 avait démontré que la hausse rapide des taux d’intérêt avait nettement renchéri les coûts de financement des entreprises. Les entreprises luxembourgeoises ont ainsi payé 1,9 Mia d’euros de charges d’intérêts supplémentaires entre 2021 et 2023 (+62%). Ces intérêts payés par les entreprises représentaient plus d’un tiers de leur excédent brut d’exploitation en 2023 (+15 points de % par rapport à 2021), ce qui est bien plus élevé que les autres pays de l’Union européenne.

L’accord de coalition : une lueur d’espoir 

Si le contexte macroéconomique n’est donc déjà en soi pas très porteur, raison de plus de maximiser l’impact de nos politiques publiques afin d’améliorer autant que possible la situation. Et des solutions (nationales) existent pour redonner un souffle à nos entreprises, stimuler la croissance et aider à assurer la pérennité de notre modèle économique et social. L’UEL se veut résolument optimiste, mais pour atteindre les 2,5% de croissance économique attendue pour 2025 par le Statec – soit un quintuplement par rapport à 2024 – des avancées ambitieuses et courageuses devront être réalisées, et le plus rapidement possible.

Avec son accord de coalition, le Gouvernement semble s’être rappelé que le Luxembourg a toujours fondé sa réussite sur des entreprises dynamiques, productives et compétitives. Ces dernières sont le pilier essentiel de la viabilité des finances publiques, du financement de la sécurité sociale et du bien-être de tous les citoyens.

L’accord de coalition du Gouvernement présente de bons constats, réflexions et objectifs pour relancer l’activité des entreprises, notamment sur les dossiers sur lesquels l’UEL est active : emploi et droit du travail, fiscalité et sécurité sociale.

Actionner le levier fiscal pour améliorer la compétitivité des entreprises

En 2024, le Gouvernement a utilisé la fiscalité pour commencer à relancer la construction de logements ; ce qui semble, selon les dernières données disponibles fin 2024, tout doucement porter ses fruits. Pour commencer 2025, le Gouvernement a aussi joué sur la fiscalité des personnes physiques pour améliorer l’attractivité du territoire pour les talents (notamment en adaptant le régime de la prime participative et le régime d’impatriés) et plus globalement pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés. Le Gouvernement a aussi pleinement suivi son accord de coalition en indexant de l’équivalent de 6,5 tranches indiciaires le barème de l’impôt des personnes physiques en 2025 (4 en 2024 puis 2,5 en 2025). Il a en outre pris des actions spécifiques, par exemple :

  • Allègement supplémentaire suite à une adaptation de la formule de calcul de la classe d’impôt 1a.
  • Augmentation du crédit d’impôt monoparental (CIM) de 2.505 euros à 3.504 euros.
  • Augmentation de l’abattement pour charges extraordinaires en raison des enfants à charge ne faisant pas partie du ménage.

Le Gouvernement s’est même engagé à exempter le salaire social minimum qu’il a par ailleurs revalorisé de 2,6% début d’année. Le Luxembourg offre ainsi le salaire minimum net (de loin) le plus élevé de tous les pays européens (même exprimé en parités de pouvoir d’achat). Bref, ce Gouvernement a démontré son engagement social.

Cependant, il reste encore à améliorer davantage la fiscalité des entreprises pour relancer la compétitivité de l’économie et stimuler l’innovation. Bien que le taux d’impôt sur le revenu des collectivités ait été réduit d’un point de pourcent, le Gouvernement s’est engagé à « à adapter à moyen terme les taux de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de manière à les rapprocher à la moyenne applicable dans les pays de l’OCDE… ». L’UEL espère que cet engagement sera tenu et qu’un calendrier clair sera présenté en 2025. D’autres mesures fiscales pour stimuler l’innovation des entreprises sont également attendues, ainsi que pour augmenter la sécurité juridique et la simplification administrative en matière fiscale.

Moderniser le droit du travail pour l’adapter aux réalités actuelles et retrouver la productivité perdue

Pour booster l’activité économique dans tous les secteurs, les entreprises ont besoin d’un « cadre de travail » moderne, valorisant et adapté à leurs besoins. Si certains aspects de ce cadre concernent des spécificités sectorielles, toutes les entreprises évoluent au sein d’un cadre général commun. Ce dernier inclut notamment le droit de travail, véritable « système d’exploitation » qui permet aux entreprises de fonctionner correctement. Or, ce logiciel, faute de mises à jour régulières, s’avère aujourd’hui dépassé, vétuste et inadapté aux réalités économiques et sociales actuelles.

     Le rôle de l’accord de coalition dans la modernisation du cadre législatif 

L’actuel accord de coalition reconnaît cette réalité. Après de longues années marquées par l’absence de réformes valorisantes, il apporte une lueur d’espoir aux entreprises.  Les constats énoncés sont à la fois justes, appropriés et connus de longue date :

  • « Ce sont les salariés et les employeurs qui sont les mieux placés pour connaître les besoins spécifiques de leur entreprise. Le Gouvernement s’engage à ce que les horaires de travail puissent être négociés entre salariés et employeurs au sein des entreprises ou dans le cadre d’une convention».
  • « Le Gouvernement entend promouvoir un droit du travail moderne qui prend en considération les besoins des salariés et des employeurs, qui tient compte des évolutions de la société et qui reconnaît le travail indépendant à sa juste valeur ».

     La flexibilité et le dialogue social au bon niveau comme leviers d’amélioration

Les organisations d’employeurs ont eu l’opportunité de formuler des propositions concrètes, s’appuyant sur les constats établis par l’accord de coalition. Ces propositions ont été présentées dans les instances appropriées, parfois délaissées par certains acteurs.

Le droit du travail est à moderniser pour permettre aux entreprises de respirer, plutôt que de s’étouffer en essayant de le mettre en œuvre. Bien sûr, des glissières de sécurité doivent exister pour protéger les intérêts des uns et des autres. Or, le droit du travail – qui s’applique uniformément à toutes les entreprises quelque que soit leur taille – ne doit pas tout régler dans ses moindres détails. Il doit offrir la flexibilité nécessaire en prévoyant que, dans le cadre du dialogue social au niveau approprié, des dérogations soient possibles afin de mieux répondre aux réalités et aux besoins spécifiques des salariées et des entreprises.

La réalité est celle que plus de 90% entreprises sont trop petites pour disposer d’une délégation du personnel. Dans ces entités, le dialogue ne peut que s’engager entre l’employeur et ses salariés. La réalité est aussi que les deux tiers des entreprises de plus de 15 salariés, disposant d’une délégation, disposent de délégation exclusivement neutre, non-affiliée à un syndicat. Seules quelque 700 entreprises – moins d’une sur 50 – disposent de délégation entièrement syndiquée, représentant à peine la moitié des salariés dans le secteur privé. Selon les secteurs, la « non-syndicalisation » des délégations peut facilement dépasser 80%, voire 90%. Il est ainsi évident que le dialogue social doit tenir compte de ces réalités pour rester pertinent et correspondre aux besoins et aux préférences des employeurs et des salariés.

Et le dialogue social est essentiel. Il est d’ailleurs déjà une réalité dans les entreprises où il fonctionne. Le dialogue social est même au cœur des entreprises et il mérite d’être renforcé. Toutefois, le dialogue social ne doit pas nécessairement toujours rimer avec la « présence obligatoire » de syndicats dans le cadre de négociations de détails. Leur intervention doit rester une option, lorsqu’un secteur ou une entreprise l’estime utile, et à condition que les syndicats y soient suffisamment enracinés pour en appréhender pleinement les besoins, plutôt que de s’appuyer sur des visions théoriques loin du terrain.

A défaut, il est légitime que des accords d’entreprises puissent être négociés directement avec les délégations du personnel, démocratiquement élues par l’ensemble des salariés. Dénigrer ces délégués du personnel ou les réduire à de simples exécutants des intérêts patronaux revient à mépriser 9.500 personnes qui, chaque jour, s’investissent pour défendre les intérêts de leurs entreprises et de tous les salariés qui y travaillent. Ces délégués sont ancrés dans la réalité du terrain, au plus près des préoccupations quotidiennes des entreprises et de leurs collaborateurs et ils ont été choisis par leurs pairs.

Au cours de ce début d’année 2025, l’UEL présentera plus en détails ses propositions pour moderniser le droit du travail et expliquera en quoi celles-ci répondent à la réalité en l’adaptant à la démographie des entreprises et à la représentativité des salariés issue des élections sociales de 2024 et finalement en quoi elles répondent à l’accord de coalition. « Le bon outil au bon niveau », tel est le credo de ces propositions qui font la part belle à la fois au droit du travail, aux conventions collectives et aux accords d’entreprises.

Passer de la réflexion à l’action en matière de sécurité sociale

En matière de sécurité sociale, il est toujours utile de rappeler que l’élément fondamental de l’équilibre reste la capacité des entreprises à pouvoir créer de l’emploi et donc à générer des cotisations sociales (et des impôts sachant qu’une partie considérable de la sécurité sociale est fiscalisée dans notre pays).

Le niveau actuel moins fort des créations d’emplois a plongé dans le rouge la situation financière de l’assurance maladie-maternité (résultat opérationnel négatif de 38 millions d’euros pour l’exercice 2024 ; qui devrait quadrupler en 2025) et rapproché très brusquement le moment où les cotisations de pensions ne suffiraient plus pour financer les dépenses de pensions. Selon les dernières données disponibles à ce jour, 2025 devrait être la dernière année où les recettes en cotisations permettraient encore à assurer les dépenses du système de pension. Autrement dit, dès 2026, de l’argent devrait être prélevé du Fonds de Compensation.

2024 aura été l’année des réflexions, que ce soit en matière d’assurance maladie ou de pensions. 2025 devra être celle où les mesures devront être prises et ainsi répondre à l’engagement de l’accord de coalition qui dit que : « Le Gouvernement prendra, le cas échéant, ensemble avec les partenaires sociaux, les décisions qui s’imposent pour maintenir un équilibre des recettes-dépenses ». Vu les défis économiques, de recrutement, de logement et de mobilité, il serait peut-être aussi temps d’adapter plus globalement les dépenses tant de santé que de pensions à des niveaux de croissance d’emploi plus soutenables / durables.

2025 devra être aussi l’année où l’on s’attaque enfin à l’absentéisme et notamment à son côté obscur et abusif. Oui le Gouvernement a raison quand il estime dans son accord de coalition que : « l’absentéisme a considérablement augmenté les dernières années. Le Gouvernement analysera les raisons du taux d’absentéisme, mènera des actions de prévention en concertation avec les parties prenantes et luttera contre toute forme d’abus en la matière ».

Les absences en hausse structurelle depuis la Covid-19, se conjuguent avec une inflation constante de nouvelles formes de congés, de congés allongés XXL, de jours fériés et de congés supplémentaires ainsi qu’avec une augmentation des demandes de travail à temps partiel et des départs précoces en pension, souvent encouragée par la générosité des salaires et des pensions.

Mis bout à bout, ces facteurs entrainent l’absence simultanée d’un très grand nombre de personnes, et donc une désorganisation permanente dans les entreprises. La désorganisation fait peser une charge de travail supplémentaire sur les salariés présents. Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que la productivité réelle du travail n’ait pas progressé au Luxembourg, et ce depuis 20 ans. Car c’est précisément depuis 20 ans que le temps de travail effectif ne cesse de baisser, baisser et baisser (perte de l’équivalent d’un mois de travail effectif par an). Il est donc urgent de tirer le frein à main pour ne pas alimenter davantage cette surenchère de congés en tous genres et leur « allongement-flexibilisation ». Mais au-delà de cette tendance, il faut aussi lutter plus efficacement l’absentéisme abusif et débridé. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place des contrôles médicaux renforcés et de revaloriser le rôle d’une Institution agissant comme pilote au sein des systèmes de sécurité sociale, le Contrôle Médical de la Sécurité Sociale.

En parallèle, nous pourrions envisager une responsabilisation accrue des assurés, notamment par des dispositifs de participation financière, similaires à ceux pratiqués dans d’autres pays. Ces mesures permettraient de dissuader les comportements abusifs et de promouvoir une meilleure gestion de l’absentéisme.

Si les mesures politiques sont incapables à elles seules de susciter une croissance économique durable, il revient néanmoins à la politique de soutenir les entreprises, d’instituer un cadre législatif favorable à l’expansion économique, d’être à l’écoute des problématiques soulevées par les entreprises et de redoubler d’efforts pour accompagner les entreprises de tout secteurs économiques.

Les entreprises constituent le moteur fondamental de la viabilité de la politique budgétaire du pays, du financement de la sécurité sociale et du bien-être offert à tous les citoyens

Nouvelle année, nouvelle résolution : passons enfin aux actes.  

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