Un effondrement économique silencieux, qui nous concerne tous

16.06.2025

Position et Opinion de l'UEL

Article initialement publié dans le Wort le 14 juin 2025.

Michel Reckinger, Président de l'UEL

Alors que les signaux d’alerte se multiplient, l’économie s’effondre sans faire de bruit. Ses effets risquent de fragiliser durablement notre tissu entrepreneurial, nos emplois et à terme notre État-providence. Ce danger, encore peu perçu, est pourtant bien réel — et il concerne chacun d’entre nous.

Les chiffres économiques sont édifiants 

Force est de constater qu’il n’y a eu aucune croissance économique depuis des années et que le pays est au bas du classement compétitif européen. Après trois années de récession depuis 2020, une faible croissance d’un pour cent en 2024. Ce début d’année 2025 confirme cette tendance puisque au premier trimestre, le PIB en volume a de nouveau baissé d’un pour cent par rapport au trimestre précédent. Soit tout simplement la pire évolution de tous les pays de l’Union européenne.

La création d’emploi de l’économie marchande a également chuté de manière spectaculaire pour passer de 11.000 en 2022 à 6.500 en 2023 puis seulement à 600 en 2024. Et la chute continue au premier trimestre 2025 avec 100 emplois de moins qu’au dernier trimestre 2024.

Les finances publiques, relativement bonnes en 2024, s’expliquent principalement par des éléments exceptionnels, non récurrents et certainement pas durables. En particulier le solde des impôts sur le revenu des collectivités relatifs aux années antérieures, les marges d’intérêts des institutions financières résultant de la situation du taux d’intérêt moyen élevé en 2024 ou encore les accises sur le tabac. À terme cependant, la logique reprendra et les recettes budgétaires seront nécessairement portées par la santé intrinsèque des entreprises.

Le volet social a été renforcé

Malgré ce contexte économique en berne, le gouvernement a choisi de suivre pleinement le volet social de son accord de coalition, en multipliant les actions pour augmenter le pouvoir d’achat, notamment:

– en indexant de l’équivalent de 6,5 tranches indiciaires le barème de l’impôt des personnes physiques en 2025 et 2024,
– en augmentant le crédit d’impôt monoparental,
– en augmentant de dix pour cent l’allocation de vie chère,
– en triplant la prime énergie,
– ou encore en augmentant la subvention de loyer.

Le gouvernement s’est même engagé à exempter d’impôts le salaire social minimum, qu’il a par ailleurs revalorisé de 2,6 pour cent en 2025.

Le gouvernement a donc démontré son engagement social. Il doit maintenant agir sur le moteur du modèle. Dépenser la richesse sans la créer n’est pas durable.

Le statut quo n’est plus une option

Le problème est néanmoins plus profond que les apparences. L’emploi s’essouffle, la productivité continue de baisser (huit pour cent plus bas en 2023 qu’en 2010 par emploi), l’absentéisme bat de nouveaux records, et la rentabilité des entreprises encaisse le choc. La croissance prodigieuse de ces 30 dernières années – taux de croissance du PIB et de l’emploi dépassant trois pour cent l’an – appartient au passé. Mettant à nu dans son sillage la fragilité de nos systèmes de protection sociale qui ont besoin de leur « dopage » annuel de trois pour cent de croissance pour être un tant soit peu équilibrés.

Le Luxembourg ne sortira pas miraculeusement de cette impasse tant le problème est de plus en plus structurel et non conjoncturel. Le statu quo n’étant plus une option, le gouvernement doit élargir son activité jusqu’à présent ponctuelle (logement, start-ups, attractivité des talents via la fiscalité…) aux vraies réformes structurelles, afin de libérer un nouveau potentiel de croissance à travers toute l’économie. Au-delà des « evergreens » autour de la simplification administrative, de la R&D et de l’innovation, de l’éducation et de la formation, les réformes structurelles doivent notamment concerner le socle social des entreprises avec le droit du travail et les régimes de protection sociale.

L’espoir d’un pays encore réformable

Face à cette situation inédite depuis 20 ou 30 ans, nous devons tous nous poser une question fondamentale : notre pays est-il capable de se remettre en question, d’écarter les idées reçues, pour mieux se réinventer et s’adapter au monde qui change ? Quant à cette remise en question, se basera-t-elle sur des chiffres et tendances objectifs et factuels ou craquera-t-il et agira-t-il sous le coup de l’émotion et sur la base d’un simple ressenti ou d’une peur peu utile ?

Inertie et refus de s’adapter mèneront encore plus vite au déclin, voire au déclassement économique. Un appel à maintenir le statu quo contribuera à la chute.

Il est temps d’agir. Le décrochage économique peut encore être vaincu avec des réformes ambitieuses tant que nous en avons encore les moyens.

Ceci est un appel au gouvernement et aux forces vives de la Nation pour retrouver les fondements de ce qui a fait la force du Luxembourg, soit un pays responsable, dynamique, capable de se moderniser, de se tourner vers l’avenir.

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