Le droit du travail au Luxembourg a considérablement évolué ces dernières décennies, intégrant sans cesse de nouvelles obligations (à l’égard des entreprises) censées protéger les salariés, au point d’être devenu un véritable mastodonte tendant à régler dans les détails chaque situation individuelle, même hypothétique, pouvant se produire en entreprise, indépendamment de sa taille, de son secteur et de ses réalités quotidiennes. Les entreprises ne disposent plus de marges de manœuvre suffisantes pour répondre à la complexité des situations qui se présentent dans le cadre de leur activité.
Au niveau du dialogue social, si le cadre légal fait la part belle aux conventions collectives, il tient peu compte de la réalité du tissu économique luxembourgeois. Celui-ci est principalement composé de petites entreprises : sur les 36.700 entreprises actives fin 2022, plus de 90% sont trop petites pour disposer d’une délégation du personnel et 76% comptent moins de 5 salariés. En d’autres termes, le dialogue social se déroule directement entre l’employeur et ses salariés dans plus de 32.000 entreprises.
Par ailleurs, parmi les entreprises de plus de 15 salariés disposant d’une délégation du personnel (soit environ 3.500 entités à l’heure actuelle), deux tiers ont une délégation neutre, c’est-à-dire non affiliée à un syndicat. Dans certains secteurs, la « non-syndicalisation » des membres des délégations peut dépasser 80 %, voire 90 %. Les délégués sont proches des préoccupations quotidiennes des entreprises et des autres collaborateurs, et ont été choisis par leurs pairs.
Source : ITM (résultat des élections sociales 2024)
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Ces chiffres contrastés montrent la diversité du dialogue social au niveau des entreprises et les instruments de négociation doivent la refléter.
En outre, le cadre légal actuel impose aux entreprises d’être plus favorables pour les salariés que la loi pour tous les points de négociation prévus dans un accord collectif. Dans ce contexte, il est presque impossible de trouver des solutions équilibrées pour les entreprises et leurs salariés, excepté quelques ouvertures autorisées par la législation. Il est indispensable d’y remédier.
Dans le cadre du discours sur l’état de la nation, il a été souligné à juste titre : « nous constatons également que le régime actuel ne correspond plus aux diverses réalités de notre société et de notre économie ». Et dans l’accord de coalition « Lëtzebuerg fir d’Zukunft stäerken », le Gouvernement met en avant l’importance d’un droit du travail moderne, adapté aux besoins des salariés et des employeurs, tout en tenant compte des évolutions sociétales et visant notamment à faciliter les accords entre employeurs et salariés « qui sont les mieux placés pour connaître les besoins spécifiques de leur entreprise ». Par ailleurs, le « Gouvernement s’engage à ce que les horaires de travail puissent être négociés entre salariés et employeurs au sein des entreprises ou dans le cadre d’une convention collective ».
Une réforme est donc devenue incontournable pour développer l’activité économique dans tous les secteurs, donner des marges de négociation, permettre aux entreprises de trouver des solutions « gagnant-gagnant » et augmenter la sécurité juridique des solutions trouvées par voie d’accord collectif.
À la suite de ces différents constats, les organisations d’employeurs ont élaboré des propositions concrètes pour moderniser le dialogue social et le droit du travail visant à renforcer l’efficacité du système tout en préservant l’équilibre entre les droits des travailleurs et les besoins des entreprises.
La nouvelle hiérarchie des normes en droit du travail proposée par l’UEL peut être succinctement représentée comme suit :
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Suivant les propositions de l’UEL, les entreprises sont toujours tenues de respecter les dispositions d’ordre public inscrites dans le code du travail (article L. 010-1 du Code du travail).
Dans ce cadre, les partenaires sociaux au niveau approprié peuvent conclure des accords collectifs « gagnant-gagnant ». Le niveau conventionnel comprend
- les conventions collectives ainsi que les accords en matière de dialogue social interprofessionnels négociés avec les syndicats,
- et les accords d’entreprises négociés avec les délégations de personnel présentes en entreprise, ou, le cas échéant, avec le personnel à défaut de délégation.
Suivant cette nouvelle architecture, les syndicats demeurent les interlocuteurs obligatoires pour conclure des conventions collectives de travail qui seules peuvent être déclarées d’obligation générale. Leur rôle et leur importance ne sont donc pas remis en cause.
L’architecture du dialogue social est en revanche complétée par des accords d’entreprise qui pourraient être génériques ou spécifiques, suivant qu’ils portent sur un « package » de mesures à l’instar des conventions collectives ou sur des éléments spécifiques de la vie de l’entreprise et qui pourraient aussi mettre en œuvre les conventions collectives.
Ce nouveau cadre légal prévoit en outre des dispositions applicables à défaut d’accord collectif, dites « supplétives ». Celles-ci doivent également être revues pour être adaptées aux réalités d’aujourd’hui, en particulier en ce qui concerne l’organisation du travail et du temps de travail, qui sont des piliers pour structurer les activités des entreprises et des salariés.
Ces propositions, couplées à un allègement du contenu obligatoire des conventions collectives de travail, augmenteront les incitations pour les entreprises, voire des secteurs homogènes entiers, à négocier une convention collective de travail et à promouvoir le dialogue social en général.
L’UEL est convaincue que ces adaptations favoriseront la compétitivité des entreprises, sans réduire la protection des salariés. « Le bon outil au bon niveau » résume ces propositions, qui visent à articuler efficacement droit du travail, conventions collectives et accords d’entreprise pour répondre aux défis actuels.