L’économie pour reconstruire le Triangle d’or
09.02.2024
Position et Opinion de l'UEL
Nicolas Simons, Chief Economist
Une économie forte basée sur des entreprises prospères permet d’offrir des hauts salaires et les recettes budgétaires nécessaires à un pays pour financer ses ambitions sociales, tout en assurant un certain équilibre au niveau des finances publiques.
Le Luxembourg a traditionnellement réussi à créer un environnement économique porteur, un cadre dans lequel les entreprises ont pu se développer et créer de la valeur. En termes économiques, la croissance du PIB réel, soit la valeur ajoutée brute en volume, a toujours été relativement plus forte en comparaison européenne. Le dynamisme des entreprises luxembourgeoises a permis aux salariés et aux fonctionnaires d’avoir le plus haut niveau de rémunération et le système social le plus généreux de tous les pays de l’Union européenne, le tout en gardant des finances publiques – relativement – saines.
Ces dernières années, les décideurs ont eu tendance à oublier le principe d’équilibre de ce Triangle d’or, en entravant le développement économique et en poussant toujours davantage le système social. En voyant le principe du Triangle d’or se rompre progressivement, l’UEL a constamment alerté sur le besoin urgent d’agir sur le pilier économique si le Luxembourg désirait maintenir son haut niveau social sans plomber son indépendance financière.
Les chiffres portant sur l’année 2023, du fait notamment du maintien du système d’indexation en période de forte inflation, confirment que l’équilibre s’est brisé :
Sur l’année 2023, l’économie luxembourgeoise est en récession avec une diminution du PIB réel de -1,1% ! Tous les secteurs économiques sont touchés bien que les secteurs financiers et de la construction sont les plus impactés. L’UEL note que la croissance économique du Luxembourg, sur les années 2022-2023-2024, est atone, voire même inférieure à celle de l’Union européenne.
Les finances publiques sont dans le rouge avec un déficit (prévisionnel) de l’administration centrale en 2023 de 2,2 mia EUR, soit le déficit le plus élevé hors 2020 où l’économie était à l’arrêt.
Comme le résume bien le Conseil National de la Productivité dans son dernier Rapport, “la croissance économique faible et l’impact budgétaire des mesures, notamment les mesures de l’accord tripartite, alimentent le déficit public”.
L’UEL note que le dérapage devient structurel puisque l’IGF anticipait, lors de ses échanges avec le Formateur et comme l’indique le graphique ci-dessous, un déficit cumulé de 10 mia EUR sur la période 2023-2027.
Et dans cette situation difficile sur le pilier économique et le pilier des finances publiques, les salaires bruts, les salaires réels et l’épargne augmentent au Luxembourg. L’UEL note qu’après plusieurs années de crises, les salaires réels (donc après prise en considération de l’inflation) sont aujourd’hui 6% plus élevés qu’en 2019. Cette situation contraste avec les autres pays européens.
L’UEL en profite pour rappeler l’effet pervers et anti-social du système d’indexation actuel. Ainsi, les 5 indexations reçues par les salariés depuis octobre 2021 représentent un surplus de salaires de 16.000 EUR par an à celui qui gagne 10.000EUR par mois alors que celui qui gagne le salaire minimum n’a eu qu’un surplus annuel de 4.000 EUR.
Pour ce dernier, tout le surplus a été consommé. Pour le premier, le surplus est tellement grand qu’il n’a pas pu tout consommer et donc a vu son épargne s’accumuler.
Au Luxembourg, les salaires réels et l’épargne continuent d’augmenter
L’UEL alerte sur cette situation de déséquilibre qui n’est pas durable.
L’objectif de l’UEL n’est pas de réduire l’État social (bien qu’une certaine dose de sélectivité s’impose pour aider en priorité ceux qui en ont besoin) mais d’agir pour relancer l’économie et le dynamisme des entreprises, car ce sont elles, et elles seules, qui sont génératrices de revenus et de contributions budgétaires offrant une telle qualité de vie.
Comme toute entreprise, l’UEL se veut optimiste et tournée vers l’avenir. À la lecture de l’accord de coalition, nous osons croire que le Gouvernement actuel a compris l’ampleur de l’enjeu.
L’ambition commune est d’inscrire à nouveau le pays sur une trajectoire de croissance économique et ainsi reconstruire le Triangle d’or.
Cet article a été rédigé par Nicolas Simons, Chief Economist de l’UEL.