L’absentéisme au travail, le reflet d’une société en changement ?
13.03.2024
Position et Opinion de l'UEL
Le rapport de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS) concernant l’absentéisme pour cause de maladie publié en octobre 2023, présente une analyse de l’absentéisme pour l’année 2022 au Luxembourg. Cette analyse, réalisée annuellement par l’IGSS, permet de faire le suivi de l’évolution de l’absentéisme au Grand-Duché.
Une tendance à la hausse préoccupante
Il ressort que le taux d’absentéisme continue d’augmenter, passant de 4,4% en 2021 à 5,2% en 2022. Hors COVID, ce taux s’élève à 4% respectivement à 4,4% pour la même période.
Cette tendance à la hausse est préoccupante d’autant plus qu’elle ne tient pas compte de l’ensemble de la population active au Luxembourg et que le nombre de salariés non-répertoriés est croissant. En effet, elle ne prend en compte que les absences pour cause de maladie des salariés résidents et non-résidents de statut privé, excluant les indépendants ainsi que les salariés bénéficiant de la continuation illimitée de la rémunération, tels que les employés et fonctionnaires publics et communaux. Cette lacune ne devrait perdurer dans une situation où de telles données servent aux besoins de santé publique.
De plus, l’analyse des raisons médicales des absences se base uniquement sur les données provenant de certificats d’incapacité de travail émis par des médecins résidents, excluant ainsi les sources de données potentiellement importantes relatifs aux travailleurs frontaliers. Un autre élément à soulever qui risque d’entraîner des conclusions biaisées sur les causes de l’absentéisme.
Un risque financier pour le système de sécurité sociale
Outre le fait qu’elle perturbe l’organisation de travail, cette tendance à la hausse constitue un risque financier pour les employeurs et l’assurance maladie.
Le coût direct de l’absentéisme, à savoir la continuation de la rémunération en cas de maladie à charge de l’employeur (13 semaines) et les indemnités pécuniaires de maladie versées par la CNS augmentées de la part patronale des cotisations, s’élève à plus de 1 milliard d’euros pour 2022. Quid des 20% du salaire à supporter par les entreprises, des coûts indirects notamment la perte de productivité, le remplacement des absences et la réorganisation interne à ajouter ?
La nécessité d’un outil central d’analyse
L’UEL apprécie les efforts progressifs en matière de suivi et documentation de l’absentéisme depuis la création du statut unique.
Cependant, la nécessité de disposer d’une base de données de santé anonymisées et exhaustive pour une compréhension plus complète et précise de la situation de la santé au travail au Luxembourg, dans une optique de réduction de l’absentéisme et de gestion de prévention, est indéniable. Une telle base de données permettrait de pousser l’analyse, prévenir les tendances de l’absentéisme et les raisons médicales des absences, ainsi que de subvenir davantage aux besoins de santé de la population assurée. Cela serait essentiel pour élaborer une politique de santé adaptée et efficace visant à améliorer la santé et le bien-être des salariés au Luxembourg.
À cet effet, il y a lieu de recourir aux atouts de la digitalisation et de mettre rapidement en place un certificat d’incapacité de travail unique électronique tant pour les résidents que les non-résidents avec des codes diagnostics uniformes et plus détaillés. Ceci est d’autant plus important au vu de l’analyse de l’IGSS qui montre que le taux d’absence des salariés frontaliers est supérieur à celui des salariés résidents du secteur privé.
Des données plus complètes permettraient également de mieux cibler les contrôles tant administratifs, opérés par la CNS, que médicaux, réalisés par le Contrôle médical de la sécurité sociale, des assurés.
L’objectif final de toute action serait un encadrement de l’absentéisme qui bénéficierait aux salariés et aux employeurs. En créant des bases de données plus précises et en identifiant ainsi plus rapidement les problèmes de santé, il serait possible de mettre en place des mesures préventives et d’offrir un soutien plus ciblé aux employés et de réduire ainsi l’absentéisme. En somme, un cercle vertueux où la création de bases de données précises permettrait une meilleure gestion de l’absentéisme, bénéficiant à tous les acteurs impliqués.
Cet article a été rédigé par Michèle Marques, Head of Social Security et Fabienne Lang, Senior Adviser of Social Security, de l’UEL.