Dans le contexte de la sortie de crise sanitaire du Covid-19, les employeurs luxembourgeois ayant des salariés frontaliers qui effectuent du télétravail doivent s’interroger sur les éventuelles conséquences fiscales qu’une telle pratique pourrait avoir à leur niveau. En effet, à côté d’éventuelles conséquences en matière de fiscalité des personnes physiques ou de sécurité sociale, la pratique du télétravail transfrontalier soulève, dans certains cas, un risque d’établissement stable pour les entreprises.
QU’EST-CE QU’UN ÉTABLISSEMENT STABLE ?
Lorsqu’une entreprise luxembourgeoise exerce une partie de ses activités dans un autre pays, elle peut être imposée à l’impôt sur le revenu des sociétés dans cet autre pays, et non pas au Luxembourg, si les conditions de reconnaissance d’une présence taxable dans cet autre pays (autrement appelée « établissement stable ») sont remplies. Tel sera le cas si cette activité présente, entre autres, un certain degré de permanence. Ainsi, la qualification d’établissement stable pourra généralement être retenue en raison de l’existence d’une « installation fixe d’affaires » ou du fait du recours à un « agent dépendant ».
DANS QUEL CAS LE TÉLÉTRAVAIL PEUT-IL DONNER LIEU À UN ÉTABLISSEMENT STABLE ?
Les règles fiscales actuelles (sur base des conventions de double imposition conclues avec les pays frontaliers) sont générales et ne visent pas spécifiquement le cas du télétravail transfrontalier. Il convient par conséquent d’effectuer une analyse au cas par cas en prenant en considération les critères cumulatifs suivants:
- Fréquence du recours au télétravail (i.e., ponctuel ou régulier),
- Cadre contractuel dans lequel le recours au télétravail s’opère (i.e., caractère facultatif ou obligatoire pour le salarié),
- Fonctions et responsabilités du sala- rié (e.g., fonctions administratives/ de support ou poste de direction, de commercial),
- Étendue des activités exercées par le salarié à son domicile (e.g., activité limitée à la réalisation de tâches admi- nistratives ou activité professionnelle régulière, négociation/conclusion de contrats au nom de l’entreprise), et
- Organisation matérielle du travail à domicile (e.g., éventuel droit d’accès de l’employeur, matériel fixe/mobile mis à disposition par l’employeur).
Parmi ces critères, le caractère facultatif ou non du télétravail et le type de fonctions exercées sont généralement considérés comme étant déterminants dans l’analyse.
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES POUR L’ENTREPRISE ?
Dans l’hypothèse où l’existence d’un établissement stable serait caractérisée, les profits de l’entreprise liés à l’activité réalisée dans l’autre pays y seront imposables à l’impôt sur le revenu des sociétés, ce qui peut donc entraîner un coût fiscal supplémentaire. En outre, l’entreprise devra satisfaire à des obligations fiscales déclaratives dans l’autre pays, telles que des formalités d’enregistrement et le dépôt d’une déclaration fiscale.
QUELLES PRÉCAUTIONS DOIVENT DONC PRENDRE LES EMPLOYEURS ?
Les conséquences fiscales liées au télétravail effectué en raison de la pandémie ont été neutralisées pendant la durée de la crise sanitaire. Du fait de la sortie de crise, les employeurs doivent désormais en anticiper les éventuelles conséquences fiscales à leur niveau. Si le télétravail transfrontalier reste purement occasionnel et limité dans la nature des tâches réalisées, le risque d’établissement stable devrait rester mineur. En revanche, si les employeurs décident de permettre du télétravail de façon régulière et étendue à la majorité de leurs salariés, ou si certains salariés ayant un pouvoir de décision ou impliqués dans le démarchage de clients sont concernés, une analyse circonstanciée sera alors requise. Il conviendra par conséquent pour chaque employeur d’analyser la situation de son entreprise compte tenu de la politique de télétravail envisagée et de constituer une documentation permettant de démontrer l’absence d’établissement stable (sur base d’un ensemble d’indices factuels) encas de questions par les administrations fiscales étrangères.