Pensions : Comprendre la dynamique pour comprendre le besoin d’agir

27.02.2025

Position et Opinion de l'UEL

De nombreux propos ont été tenus ces derniers mois dans le cadre des réflexions devant mener à une (nécessaire) réforme du régime général d’assurance pension. Dans cette Position & Opinion, l’UEL se propose d’aborder l’approche sur laquelle un système d’assurance pension se doit d’être analysé.  

Dépasser la vue statique pour adopter une vue dynamique et actuarielle : tel est en effet le défi à relever pour se faire une opinion avisée sur la viabilité d’un système de pension par répartition. Une simple photo à l’instant T ne permet pas d’en apprécier correctement son caractère durable.

Si l’UEL et ses membres choisissent d’utiliser, comme toutes les institutions nationales et internationales compétentes, un horizon de projection d’une quarantaine d’années (soit la durée d’une carrière), de tels horizons sont régulièrement critiqués, voire « instrumentalisés » pour justifier l’inaction. Pourtant, un tel horizon se justifie pleinement. Un jeune entrant sur le marché du travail qui cotise, et donc qui finance le système, doit pouvoir se projeter tout au long de sa carrière et ajuster son comportement d’épargne en fonction de ce qu’il est susceptible de recevoir du système, une fois sa carrière professionnelle achevée.  

On notera toutefois que même un horizon réduit, sur 15 ans par exemple, ne dissimulerait pas l’acuité de la nécessité d’une réforme. Ceci ne pourra qu’améliorer le degré de confiance de l’appréciation des paramètres tels que le nombre de retraités et le montant des pensions à verser. 

Ils sont nombreux à observer la situation actuelle pour affirmer que tout va bien. Et l’image semble, en apparence, rassurante : des recettes de cotisations supérieures aux dépenses de pension et une réserve d’environ 30 milliards d’euros. Mais les messages simplistes ne sont pas toujours les bons ; il s’agit d’une réalité de plus en plus difficile à combattre, notamment à l’ère des réseaux sociaux qui exacerbent une opinion publique trop souvent déjà biaisée.

Quelle est la dynamique ?
L’exceptionnelle croissance de l’emploi du passé a créé un déséquilibre entre contributeurs et bénéficiaires du système de pension, actuellement favorable au système. Depuis 2012, année de la dernière réforme, l’emploi a augmenté d’environ 130.000 personnes, soit plus que le nombre d’habitants dans la capitale du pays ! C’est cette exceptionnelle croissance de l’emploi du passé qui permet au système d’être (encore) équilibré aujourd’hui. Mais cela ne sera déjà plus nécessairement le cas en 2026. Les derniers chiffres présentés par le Gouvernement montrent effectivement que dès 2026, les cotisations ne seraient plus suffisantes pour financer les dépenses du régime d’assurance pension. 

Quel sera le revers de la médaille du phénomène ?  
Cette exceptionnelle croissance de l’emploi du passé va se transformer progressivement (et de manière certaine) en une exceptionnelle croissance des pensions ; une tendance qui vient renforcer le phénomène du vieillissement démographique et allonger les « carrières de pension ». 

La base de tout système par répartition 
Si le nombre de retraités peut être anticipé avec un certain degré de précision, quel sera demain le niveau de croissance de l’emploi, et donc de l’évolution du nombre de nouveaux cotisants ?Cette relation entre nombre de cotisants/contributeurs et nombre de pensionnés/bénéficiaires constitue la base de tout système par répartition.  
Au vu de la réalité actuelle et à venir, on peut légitimement s’interroger sur la capacité de nos entreprises à croître et à engager des salariés supplémentaires ? Auquel cas, parviendra-t-on à trouver puis attirer ces talents, puis à les loger et à leur garantir une bonne mobilité chaque jour au Luxembourg ? 
La croissance fait partie de la solution. Bien que l’UEL soit en sa faveur, nous soulevons la question de la pertinence d’anticiper ou de postuler, pour demain, les niveaux de croissance d’emploi du passé, pour justifier l’inaction. 

Des prévisions de l’emploi en hausse ne justifient pas l’inaction
L’équilibre entre nombre de pensionnés et nombre d’actifs doit s’analyser aujourd’hui mais également en vue de demain. De quelle échéance parlons-nous alors? 10 ans, 20 ans, 100 ans ?  

L’UEL rejoint l’horizon « 2070 » proposé par la Commission européenne au niveau international et au niveau national par l’IGSS.  Partant d’une carrière d’assurance de 40 années, l’horizon 2070 semble pertinent pour un jeune arrivant dès aujourd’hui sur le marché du travail luxembourgeois, qui s’intéresse légitimement à « quoi il pourra s’attendre » une fois retraité afin de pouvoir adapter son comportement de consommation et d’épargne tout au long de sa carrière active. Avec un taux de 16%, les cotisations d’assurance pension pesant sur un salarié du privé représentent déjà une très grande ponction de la rémunération octroyée par une entreprise. Il est ainsi logique d’assurer, demain, le maintien d’un certain niveau de pension aux cotisants d’aujourd’hui. 

Même des projections optimistes mènent à un constat alarmant 
A l’horizon 2070, les projections de l’IGSS sont dramatiques. Bien que certains reprocheront aux experts l’impossibilité de prévoir aussi loin, l’assurance pension du volet dépenses est la seule branche de la sécurité sociale dont les dépenses sont prévisibles avec un degré de précision relativement certain sur le long terme. 
Les 500.000 actifs d’aujourd’hui ne seront-ils pas en pension en 2070 ?

Mais quid alors d’un horizon d’analyse plus proche ?
Prenons 2040, soit dans à peine 15 ans. Est-ce dans si longtemps ? Si 2010 ne nous paraît guère lointain, la proximité de 2040 en devient d’autant plus manifeste. 

 Au vu de la dynamique du système d’assurance pension, quelle sera la photo prévisible en 2040 ? 

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  • La (quasi)certitude: le nombre de pensionnés, qui va doubler passant d’environ 200.000 à 400.000 ; tous ceux ayant aujourd’hui plus de 50 ans seront en pension. 
  • L’inconnue: le nombre d’actifs. Les projections de l’IGSS tablent sur 650.000 actifs, soit une augmentation d’environ 150.000 par rapport à aujourd’hui. D’aucuns disent que ces projections sont pessimistes, nous ne partageons pas ce sentiment. Pour y arriver, il faudra réussir à recruter environ 350.000 personnes (150.000 emplois supplémentaires + 200.000 actifs partis en retraite à remplacer). A voir les problèmes actuels de croissance économique, les défis de recrutement, de logement et de mobilité, et un bassin d’emploi transfrontalier en stagnation voire déjà en légère baisse, y parvenir semble plutôt très optimiste.
  • L’équilibre financier en 2040 : Même avec l’hypothèse optimiste de réussir à recruter, loger, faire venir ces 350.000 personnes, sans réforme du système de pension, le déficit serait de 2 mia d’euros en 2040, la réserve de pension serait réduite de moitié ; et surtout la dynamique en serait très difficilement réversible ! 

L’UEL soutient un premier pilier public ambitieux et équitable, concourant à l’attractivité du Luxembourg et garant de la cohésion sociale.
C’est pourquoi l’UEL attend de la réforme (une attente qui devrait unir toutes les parties prenantes, notamment pour respecter le principe d’équité intergénérationnelle) – de construire dès aujourd’hui un système de pension qui soit durable.
 

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